Père Alfred BARTHOLOMÉ
Frère Léon-Marie

 


 
Reproduction d'une lettre datée du 29 août 1946 à N.-D.. de Mougères à son neveu François.

Bien cher François,

Votre bonne lettre m'a causé beaucoup de plaisir.
La destruction du clocher m'a vivement affecté; il était si beau.
Avec quelle fierté, il pointait sa flèche svelte et élancée vers le Ciel,
pour nous dire: En haut les cœurs; ne croupissez pas dans les choses terrestres, la terre passe, le ciel seuil reste, la terre est un lieu d'exil, le ciel est notre vrai patrie. En marche! voyageurs de la terre! marchez, courez, marchez sans cesse, courez toujours, pour atteindre le ciel, but de notre existence.
Je suis heureux d'apprendre que votre famille augmente. Recevez avec joie et reconnaissance tout ce que le Bon Dieu vous envoie. Si Dieu prend soin des fleurs qui éclosent aujourd'hui, et se fanent demain, avec combien plus de raison prendra-t-il soin de nous qui sommes faits à son image et qui sommes destinés à régner éternellement avec lui dans l'autre monde.
Donc le petit s'appelle Alfred, en mon souvenir. Voici comment j'ai reçu ce nom. Un étranger (que je ne connais pas) a voulu être mon parrain. Mes parents ont refusé. Soit, dit-il, mais du moins il sera appelé Alfred comme moi et je jouerai de l'orgue pendant la cérémonie. A propos savez-vous que j'ai fait des difficultés pour venir au monde. On a dû appeler le docteur Eberlé, qui, les mains croisées, a assisté à ma naissance. Comme honoraire, il a demandé 10 fr, belle somme, en ce temps, aujourd'hui une bagatelle.
Vous me dites qu'Armand a 94 ans. Bien! je vous dis qu'il est l'heure de faire attention que la faucheuse ne tourne pas autour de la maison, qu'elle n'aiguise pas la faux car la faucheuse est un être effronté qui rentre dans les maisons sans demander s'il peut rentrer et emmener avec lui, sans demander si on est d'accord. Si quelqu'un fait ce qu'il veut, il est sûrement présent. Conclusion: être prêt avec son bagage pour le départ.
Vous me dites que Madeleine souffre. Qui ne souffre pas ? Le monde est un immense Calvaire, où chacun est attaché à une croix; le berceau est rivé à la tombe par une chaîne dont chaque anneau est une souffrance. L'important est de bien accepter les souffrances; elles nous détachent de la terre, nous font désirer le ciel, nous préparent une belle couronne. Les Saints ont extrêmement chéri les souffrances. Ste Thérèse d'Avila disait, ou souffrir ou mourir! Ste Madeleine de Pazzi s'écriait: toujours souffrir, jamais  mourir! Mais le monde ne comprend pas ce langage. Pour lui, la Croix est une folie.
Les Allemands ont tué 12 de nos Pères dans une ville d'Italie. Que de crimes, ces barbares ont commis! L'effroyable châtiment qui est tombé sur eux, va-t-il les corriger? Dieu le veuille! Quelle horrible guerre peut être dans un avenir plus ou moins reculé? avec la bombe atomique, il y a de quoi détruire des royaumes.
Pour finir, j'appelle sur vous et sur la famille, les bénédictions de Dieu, y compris sur les animaux.; ce sont des créatures de Dieu qui sont utiles à l'homme et qui ne sont pas méchants comme certains hommes. Faisons en tout la volonté de Dieu, elle nous conduira au ciel, lieu de repos, de joie, de bonheur sans égal et sans fin.
        
                                                                                    Fr Léon Marie Bartholomé