Brève biographie du curé Alphonse Heck |
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Alphonse HECK est né à Rouffach le 6 août 1882. Il est vicaire à Cernay quand éclate la guerre en 1914. Il est mobilisé dans l’armée allemande le 5 août 1914 à Müllheim/Baden. Pendant ses études il passa un examen de secouriste reconnu par l’armée et de ce fait a été affecté dans un service sanitaire à Nierstein (Hesse) et à Mayence. En novembre 1914 il est nommé aumônier des prisonniers français à Giessen, où sont enfermés 40 000 soldats prisonniers français, anglais et russes. Il est autorisé à visiter les camps de prisonniers dans toute l’Allemagne. En 1917 il est affecté à la 236e division d’infanterie comme aumônier des armées en Flandres et dans le Nord de la France. Pendant la guerre, il fit vœu d’accepter une paroisse d’un village sinistré s’il revient vivant du front. En janvier 1919 il est appelé à l’évêché à Strasbourg où on lui propose la paroisse d’Uffholtz à condition d’assurer également le service des paroisses de Wattwiller, Cernay et Steinbach. « Freiwillige vor ! » Il accepte immédiatement et reçoit sur-le-champ sa nomination. Il revient à Cernay dans un presbytère sans toit, ni portes, ni fenêtres : « A la guerre comme à la guerre » écrit-il. Avec l’aide des paroissiens il répare quelque peu son abri au presbytère. La chapelle de l’hôpital devient sa première église provisoire. Il y célèbre la première messe le 2 février 1919 : c’est l’ancien curé de Cernay Hattenberger qui allume la veilleuse à l’autel. C’est lui qui avait la douleur d’éteindre la lumière rouge du Saint sacrement en 1914 et c’est donc lui qui a été invité pour la rallumer. Il s’occupe de l’arrivée des baraques faisant fonction d’églises provisoires. Il peut célébrer la première messe dans une baraque à Wattwiller le 6 avril 1919 et le 4 mai 1919 à Uffholtz. En octobre 1919 le curé Alphonse Steiner est nommé à Wattwiller. Alphonse Heck s’implique de suite dans la reconstruction d’Uffholtz : il a des priorités qu’il émet dans la société coopérative de reconstruction : d’abord les granges et les étables pour permettre aux gens de vivre, puis les maisons, puis les bâtiments communaux, et enfin l’église et le presbytère. Il devient secrétaire de la société coopérative de reconstruction des églises catholiques dévastées du Haut-Rhin qui est fondée le 18 janvier 1922. En 1923 a lieu l’adjudication du gros œuvre pour l’église d’Uffholtz. Le 21 avril 1924 une grande fête pour la pose de la première pierre, suivi à Noël 1924 de la première messe dans une église en construction : exactement dix ans après la dernière messe en 1914. Les cloches sont bénies le jour de Pâques 17 avril 1927 et l’église St Erasme est consacrée le lendemain 18 avril 1927. Les orgues sont inaugurés le 16 mars 1930. Pour financer l’église il va quêter dans toutes les paroisses, et choisi le doyenné de Marckolsheim comme parrain. Il organise des ventes de charité, des expositions et vente de crucifix et d’objets de dévotions. Plusieurs différends l’opposent à l’évêché, au service de reconstruction ou à la commune : à l’issue de la guerre, le clocher de l’église est encore partiellement debout de même que des morceaux des murs. Mais le curé voit grand, il veut quelque chose de plus beau, plus large, plus important pour une paroisse qui comptait avant 1914 plus de 1400 âmes. Devant le refus de Colmar de laisser abattre les ruines de l’église, il promet aux ouvriers qui déblaient les maisons en ruines un fût de bière s’ils arrivent à dynamiter le clocher. Le lendemain il s’en retourne à Colmar affirmant qu’il avait raison, l’église s’est effondrée dans la nuit, elle n’était plus solide. Autre problème avec la commune : il souhaite que l’église soit le centre de l’ensemble mairie, écoles, presbytère qui sont en projet. D’où l’idée de faire construire une belle entrée de la mairie donnant sur le parvis de l’église. Le maire s’y oppose, mais lui persiste pour le presbytère. Aujourd’hui encore on en voit le résultat : le presbytère a une belle entrée, alors que l’entrée de la mairie se fait par la rue. Autre problème avec le diocèse et la commission d’art sacré : il lance un appel d’offre pour les stations du chemin de croix. Parmi les propositions, il choisit le modèle grandeur nature du sculpteur Max Berger (celui qui a sculpté la Vierge dans la chapelle de Notre-Dame de Birling). L’évêché le trouve trop grand mais lui décide que se sera ce modèle, qui fait depuis l’admiration de tous. Les enfants des écoles ont quêté pour financer le beau lustre actuellement suspendu devant l’autel du Sacré Cœur. Parce que les enfants ont beaucoup fait pour l’église, il décide que les bancs de l’église réservés aux enfants seraient exactement les mêmes que ceux pour les adultes. Il fait exécuter deux vitraux aux entrées gauche et droite. Un vitrail représente le départ des habitants dans la nuit de Noël 1914, le second représente le retour des exilés en 1918. Il n’est pas content, car le curé de Cernay lui a copié l’idée dans son église. Les autres motifs des vitraux sont choisis par paires : d’avant en arrière : Ste Elisabeth et St Nicolas pour les enfants, Ste Odile et St Louis de Gonzague pour les jeunes, Ste Thérèse de l’Enfant Jésus et St François Xavier pour les missions, la sainte cène et l’autel du Sacré Cœur, Ste Anne et St Morand pour les adultes, le purgatoire pour rappeler les « Zungensünden » des femmes et la mort de St Joseph. Dans le chœur St Erasme et St Antoine. L’église contient plus de 40 liaisons avec les écritures saintes. Notamment sur la chaire est gravé un extrait de l’épître de St Paul aux Galates qui s’adresse directement au prédicateur : Laissez-vous guider par l’Esprit. Son activité pastorale est immense : il organise deux missions en 1925 et 1935, fait le catéchisme, organise des pèlerinages à Einsiedeln, Thierenbach, Neunkirch ou Mariastein, organise les adorations perpétuelles, les fêtes patronales et pour chaque évènement d’église organise de belles fêtes avec de nombreux prêtres, prédicateurs ou d’évêques. Parallèlement il constitue le 5 avril 1925 le Cercle catholique des jeunes gens (aujourd’hui c’est le Foyer St Erasme qui lui a succédé après le seconde guerre mondiale), puis le 20 septembre 1925 il constitue l’association Union pour construire la maison des œuvres paroissiales, actuellement Foyer St Erasme, toujours propriété de cette association. La construction débute en automne 1926 et l’inauguration a lieu le 24 juillet 1927. Il y déploie une grande énergie pour le théâtre, la fanfare ou la gymnastique. Il fonde une action catholique féminine et fait donner des cours de ménage. Il parle parfaitement l’allemand, bien sur, mais aussi le français, le latin et écrit le grec. Ses prêches sont fortement appréciés, ou non. D’une grande rigueur morale et religieuse, il n’hésite pas, rapporte-t-on, de sortir sous le dais avec l’ostensoir pour ôter le chapeau à un homme qui ne s’est pas découvert devant le passage du Saint Sacrement. Il ne pardonne que mollement à la société de gymnastique d’avoir organisé un bal le vendredi saint. Il n’acceptait pas que l’on travaille le dimanche. Le 18 juin 1940 Uffholtz est occupé par l’armée allemande. On lui affecte au presbytère où il vit avec sa mère et sa gouvernante Thérèse, une dame allemande. Il se révèle qu’il s’agit d’une danseuse et elle est remplacée.
Il indique que le 26 août
1943 à la rentrée des classes, il lui est interdit de donner des cours
de religion dans les écoles en Alsace. Pour contrer la décision de l’administration civile nazie, il enseigne à l’église à la même heure !
Les propos de ses prêches sont rapportés à la
Gestapo. Un jour il est convoqué à Mulhouse où il subit un
interrogatoire de plus de cent questions très précises. Il tient tête,
ne perd pas son calme et assène à l’officier sa manière de voir les
Ariens et les autres qui sont pour lui, tous, des enfants de Dieu. A son
retour, il avoue que celui qui a été questionné par la Gestapo peut
comprendre facilement le reniement de Pierre au mont des Oliviers !
Un jour, les
paroissiens entendent cette allusion à la victoire, du haut de la chaire
par leur curé : les gros nuages noirs vont partir aussi un jour.
Durant sa présence à
Uffholtz, il tient une sorte de journal qu’il rédige régulièrement. Il y
note toute la vie de la paroisse, de la commune, des associations et de
ceux qui lui aide, depuis sa venue en 1914.
Dans ce gros registre,
pendant l’occupation, il ne ménage personne, ni les Allemands, ni les
Nazis locaux ni ses paroissiens qui fréquentent la maison du parti nazi
[le Cercle catholique a été saisi et la propriété transférée au Parti
national socialiste à Munich] et qui avant n’en connaissait pas le
chemin !
Il note que le curé
Scherrer de Staffelfelden est mort à Dachau. Il écrit « gestorben »
entre guillemets, révélant ainsi qu’il n’ignorait pas le sort
réservé aux religieux dans ce camp de concentration. La page 119 est la dernière, rédigée après le 8 septembre 1943 où il note enfin des évènements heureux avec la démission du Duce. Mais il déplore aussi la mort du premier « enfant d’Uffholtz » au front russe. En avril 1944, après la préparation des premières communions et des communions solennelles, il se rend à Mulhouse chez une parenté. Au retour le 20 avril 1944, à Lutterbach, dans le train, il meurt d’un arrêt cardiaque. Il est enterré à Uffholtz le 24 avril 1944. Sur sa tombe est gravé : « Sanctifiez le dimanche ». Tharcise Meyer (11.08.2008) Sources :
Registre de la chronique paroissiale,
déposée aux archives départementales du Haut-Rhin. |
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Ces photos m'ont été fournies par Ernest et Madeleine Meyer, Eguisheim. Qu'ils soient cordialement remerciés! |
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