Le couvent de chanoinesses de Husern-Klingenthal
Marie-Thérèse Ludwig
A Hüsern, hameau disparu entre Pfaffenheim
et le Schauenberg, il existait jadis un
couvent de chanoinesses de. Saint-Augustin
sous le vocable de saint
Léonard. Selon certains auteurs, des
Béguines établies autour de l'ancienne
chapelle décidèrent de vivre en communauté
et adoptèrent la règle de saint Augustin
introduite dans la région par Marbach.
En 1180, selon Materne Berler, cette
première communauté, fuyant dans un
incendie, se retira à la "Megde Zell",
petit
couvent de Bénédictines relevant du
prieuré voisin de Saint-Marc de Gueberschwihr.
En 1236, les nobles Walter et Conrad
de Horbourg qui avaient le patronage de
l'église de Pfaffenheim comme fief de
l'évêque de Strasbourg, autorisèrent la
donation de la chapelle de Husern, filiale
de l'église de Pfaffenheim, et ses dépendances, à quelques religieuses de Saint-Marc
de Strasbourg. L'évêque de Strasbourg, en tant que suzerain, donne son
accord. L'évêque de Bâle avait adressé la
même année au doyen de Lautenbach et
aux curés de Pfaffenheim et de Rouffach son agrément pour la fondation
d'un couvent de femmes à Hüsern sur le ban de
Pfaffenheim. Le pape Innocent IV confirma
les possessions et privilèges le 10 septembre 1247 et, le 11 juillet de l'année
suivante, il plaça les religieuses sous la
direction spirituelle et la règle des Dominicains de la province d'Allemagne.
Le 11 décembre 1248, au couvent de Hüsern, une charte d'accommodement est
conclue avec Peter Meliot qui servait au
château du Haut-Eguisheim. Le couvent
lui cède ses serfs près de Soultz et, en
contrepartie, Peter Meliot est contraint de
lui restituer les propriétés qu'il lui
avait soustraites illégalement. L'abbé de Marbach
figure comme premier témoin suivi des noms
de neuf autres nobles de la région.
Le document porte trois sceaux, ceux de
Heinrich abbé de Marbach, de la supérieure du couvent et de Peter Meliot, chevalier d'Eguisheim. Une main du XIIIe
siècle mentionne au dos : sœur Hedewigis
de Valkenstein.
Les couvents, particulièrement ceux de femmes incapables d'opposer une résistance physique, étaient des proies faciles
pour les petits seigneurs. Deux ans plus
lard, en 1250, la prieure Adelheid dut
aliéner à Conrad Waldner von Berweiler
ses beaux revenus en grains, donation du
chevalier Rudolf Holzapfel.
Leur vie devint précaire et le chroniqueur Paterne Beler mentionne un deuxième incendie du couvent en 1258. Walter, seigneur de Klingen, "Minnesänger"
et ami de Rodolphe de Habsbourg, donne
aux religieuses le droit de patronage de
l'église de Wehr en Forêt-Noire, la chapelle du château avec d'autres biens pour les
engager à y construire un monastère qui
sera nommé "Klingenthal". Il leur vend
aussi une forêt pour 27 marcs d'argent. Le
pape Alexandre IV confirme cette donation le 29 mars 1259 et le transfert du
couvent eut lieu la même année selon les
annales de Colmar.
Leur domaine ayant été pillé par les
troupes de Rodolphe de Habsbourg en
guerre contre l'évêque de Bâle, les religieuses quittèrent Wehr en août 1274
pour s'établir à Petit-BâIe, possession
des
évêques de Bâle sur la rive droite du
Rhin,
où Heinrich von Rafinsburch (Henri de
Ravensbourg), dit le Brotmeister, leur
avait vendu en 1273 une propriété pour
30 marcs d'argent. Elles y construisirent
un monastère dont l'église fut consacrée
le 4 août 1293 et qui a subsisté sous le
nom de Klingenthal, en l'honneur de leur
bienfaiteur Walter von Klingen, jusqu'à
sa
suppression par la Réforme au XVI° siècle.
Les donations affluèrent dès la fondation du couvent à Husern. Celle de quatre
femmes pieuses de Mulhouse en 1233, fut
suivie par de nombreuses autres, particulièrement en Alsace et plus tard dans la
région de Bâle, si bien qu'au moment de
la Réforme, Klingenthal était le couvent
le
plus riche de la ville de Bâle. Parmi les
donateurs, la famille des Eptingen se
montra particulièrement généreuse, et
chaque année le 27 juillet, jour des "Sept
Donnants" {"Siebenschläfertag"), Klingenthal célébrait la commémoration des
sept Juncker von Eptingen, tous tombés le
même jour à la bataille de Sempach, te 6
juillet 1386.
Vers le milieu du XV°siècle, la discipline se relâcha progressivement à Klingenlhal et, en 1482,
la prieure demanda à
être détachée de l'ordre des Dominicains
pour adopter la règle de saint Augustin.
Quinze religieuses fidèles à la règle dominicaine prennent alors le chemin de
l'exil.
Deux d'entre elles allèrent à Schönensteinbach. En 1485, le prévôt de
Saint- Thomas de Strasbourg, Christophe d'Uttenheim, futur évêque de Bâle, accueillit
les autres au prieuré d'Obersteigen où
leur vie fut organisée sur le modèle de
Schönensteinbach. Elles y vécurent dans
la misère jusqu'au Jour où, en 1507, le
monastère de Gnadenthal à Klein-Basel
(Petit-Bâle) leur ouvre ses portes.
Les religieuses restées à Klingenthal sont mises sous la responsabilité des
Augustins, elles sont chanoinesses et leur
prieure abbesse jusqu'à la Réforme. Elles
conservèrent leurs nombreux biens en
Suisse et en Alsace, dont le très beau
"Dinghof (cour domaniale) de Rouffach
confié à un intendant et à un économe.
Par deux ordonnances des 13 février et
26 septembre 1525,la ville de Bâle passée
à la Réforme exigea les clés, les archives
et la livraison de tous les biens des couvents. La plupart s'exécutèrent et furent
supprimés rapidement, mais Klingenthal
arriva à se maintenir durant plusieurs
années. La courageuse abbesse Walpurga
von Rünss négocia énergiquement et loyalement
avec le conseil de la ville et préserva le couvent et ses biens
jusqu'à son
décès le 10 octobre 1557. Ursula von
Fulach, la dernière chanoinesse, refusa de
céder les clés et les archives, mais
seule,
elle se résigne, le 12 janvier 1559, à
quitter la ville et le couvent dont ce fut la
fin.
En 1560, la cour de Rouffach, située
dans la rue de Pairis, était devenue
inhabitable par manque d'entretien.
Pendant la guerre de Trente Ans, elle fat
pillée. En 1789, pendant !a Révolution, la
ville de Rouffach décida de la vendre,
comme bien national, à un particulier pour
60 000 livres, mais la ville de Bâle s'y
opposa et la vendit aux enchères à Bâle
pour 114 000 livres, En 1873, un incendie
détruisit la plus grande partie du
bâtiment mais épargna le très beau puits
construit en 1578.
Ce puits porte le sceau de Klingenthal entouré des armoiries de deux
familles patriciennes de Rouffach de
l'époque, les Sigrist ("Schultheiss") et
les
Ansheim (greffier du Mundat) vendu, peu
avant la Grande Guerre pour 1 000 marcs
à un amateur de Guebwiller qui en fit don
à la ville, il se trouve maintenant dans
le
parc de la Marseillaise à Guebwiller.
Après la guerre des Paysans, Marbach
était dans un besoin tel, que l'abbé ne
trouva pas d'autre moyen pour se créer
des ressources que de vendre l'ancien
couvent de Saint-Léonard à Hüsern dont il
ne restait plus alors que ta chapelle et
une
métairie. La commune de Pfaffenheim en
devint acquéreur moyennant la somme de
100 florins, le lundi après la Saint-Jean-Baptiste 1525, à la condition d'y faire
lire
annuellement huit messes, soit dans ladite église, soit dans l'église paroissiale,
soit
dans celle de l'hôpital.
Plusieurs rues de Petit-Bâle rappellent
encore ce couvent, par exemple la Klingenthalerstrasse, le
Klingenthalergraben,
la Klingenthalerau et la Klingenthalfäre.Sur le ban de Rouffach, une forêt conserve le nom de
Klingenthalerwald, dont les
bornes, restées en place, sont frappées
des armes de Klingenthal.
Note: Puits construit
en 1578 pour le "Dinghof"
de Klingenthal à Rouffach.
( à suivre ? ) |