Notre-Dame du Schauenberg

Albert HARI

À quelque dix kilomètres de Colmar, regardez vers la montagne ! De la forêt vosgienne se dégage un ensemble de bâtiments flanqués d’un clocher et couverts de vastes toits aux tuiles rouges : Notre-Dame-du-Schauenberg.

D’où vient le nom de Schauenberg ? Deux légendes populaires ont essayé de donner une explication. La première rapporte qu’un jour, vers 1400, les habitants de la plaine virent la montagne (appelée alors Hohbourg) en feu et s’écrièrent : « Schau an Berg ! » (regarde la montagne). Rendus sur place, ils ne trouvèrent aucune trace d’incendie. La seconde légende concerne un chevalier qui, revenu de pèlerinage en Terre sainte, passant devant la montagne a entendu une voix mystérieuse lui dire « Schau an Berg ». Il s’y rend et découvre une statue sortant du sol et entourée de flammes. C’est là qu’il construisit la chapelle. Ces légendes font appel à deux symboles ; le feu et la montagne, utilisés dans la Bible pour parler de la rencontre avec Dieu. Ainsi le feu, insaisissable et mystérieux servait à suggérer la présence de Dieu, comme dans le récit du buisson ardent. Quant à la montagne, elle était regardée comme un endroit plus proche de Dieu, car plus près du ciel où Dieu était censé habiter, comme par exemple le mont Sinaï ou celui de la transfiguration.

Six siècles d’histoire

Autour de l’an 1400, un ermite appelé Ulrich construisit une petite chapelle en ce lieu. L’ermitage échappa aux ravages des Armagnacs pendant la guerre de Cent Ans. Un document de l’évêché de Bâle parlant de « Sainte-Marie-du-Schowenberg » témoigne de la vénération de la vierge dans cette petite chapelle. D’après trois documents du XVIIIe siècle se fondant sur des archives antérieures et exprimant des traditions orales, l’année 1446 (six ans après l’exécution de Jeanne d’Arc) fut décisive pour le Schauenberg.  D’après ces sources, en 1446, un envoyé de la Landgräfin de Hesse vint au Schauenberg pour y prier et obtenir la guérison de la princesse. L’envoyé apporta avec lui une statuette de la Vierge à laquelle la malade semblait tenir beaucoup. Le pèlerinage fut efficace. La Landgräfin fut guérie. La tradition dit qu’il fut impossible de la détacher du lieu où elle avait été placée. On vit dans cet événement un signe de Dieu demandant de vénérer cette image de Marie au Schauenberg. Depuis cette guérison « miraculeuse » et à cause de la présence de la statue au sanctuaire, le nombre de pèlerins au Schauenberg ira croissant. En 1483, l’évêché de Bâle reconnaît officiellement le pèlerinage. Au cours des siècles, plusieurs chapelles se succèdent. La statue est volée et remplacée. Un couvent est construit à la place de l’ancien ermitage. Après la révolution, le XIXe siècle est celui du renouveau : pèlerinages, processions, chemins de croix, fêtes régulières, ex voto.

Et aujourd’hui ?

Le sanctuaire est épargné au cours des deux guerres mondiales. La deuxième partie du XXe siècle voit de grandes rénovations : nouveau retable (1947), nouveaux vitraux de la chapelle latérale, restauration du couvent, amélioration des accès et création d’un parking (1960-1964), rénovation de la chapelle (poutres rendues apparentes, bancs provenant originellement de Saint-Pierre-le-Vieux à Strasbourg, Christ en bois du XVIIIe siècle derrière l’autel), réalisation d’une salle pour les pèlerins (1973), rénovation du clocher et installation de cinq nouvelles cloches en 1998. Le concile Vatican II (1962-1965), ainsi que l’action dynamique du curé Kueny (1957-1987), ont joué un rôle primordial dans le renouvellement de l’esprit, de l’art et de la liturgie du pèlerinage.

Avant nous

Si nous montons au Schauenberg, nous ne serons pas les premiers. Des milliers de pèlerins et/ou des visiteurs nous ont précédés. Que savons-nous d’eux ? Les ex-voto et le retable en témoignent. Au fond de la chapelle, les ex-voto en disent long. Ces peintures populaires sont de vraies pages de vie des habitants de la région des deux derniers siècles. On peut y découvrir leurs maisons, leurs moyens de transport, leurs maladies, les accidents domestiques ou de circulation, les champs de bataille (1870-1871, 1914-1918, 1939-1945). Ces ex-voto sont ainsi des expressions populaires de la confiance en Marie qui peut aider ou qui a aidé. Cela n’empêche pas certains tableaux d’insister sur l’aide apportée par les voisins, comme cet homme tombé sur les rails et secouru par le personnel (1900). La confiance est exprimée par le texte, par la représentation de la statue ou par celle des gens en attitude de prière. Une plaque non datée – mais récente – suggère qu’il n’y a pas de lien automatique entre la prière et le résultat : « Que ta volonté soit faite Seigneur. Et ta volonté fut faite. »

Le retable sculpté par l’artiste Joseph Saur d’Oberbergheim, placé dans le petit chœur à droite, est un excellent témoin de la vie des gens après la Seconde Guerre mondiale. Réalisé en 1947, il présente Marie comme médiatrice entre Dieu et les hommes. Dans le panneau central on peut retrouver ces hommes et ces femmes d’il y a 57 ans : la mère et l’enfant, le paysan et le mineur, l’enseignant et ses élèves, le moine, le prêtre, le malade et la sœur qui le soigne… Que représenterions-nous de notre monde actuel dans un tel tableau ? Allez « voir la montagne » ! Vous y serez bien accueillis. Vous pourrez prendre le temps d’admirer, de réfléchir et de prier. N’oubliez pas de regarder le paysage d’Alsace, la Forêt-Noire. Imaginez ce qu’il y a au-delà : le monde d’aujourd’hui où les hommes et Dieu nous attendent.

Pour plus de renseignements sur le cadre, l’histoire et la spiritualité du Schauenberg, voir le recueil : « Le Schauenberg, un lieu où souffle l’Esprit ». En vente sur place.

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