La première chapelle


Vers l'an 1400 se trouvait donc à l'emplacement actuel de la chapelle un ermitage, composé d'une chapelle et d'une petite maison, construit et tenu par un certain frère Uldarich. Les annales provinciales des Pères Franciscains de 1763 mentionnent son existence bien avant le phénomène du «buisson ardent». Il n'existe pas beaucoup de renseignements sur ce frère Uldarich, si ce n'est que le brave homme a tout simplement vénéré, en ce lieu, son propre patron: Saint Uldarich. Saint Uldarich, né en 890 de parents nobles originaires de «l'Oberdeutschland», avait été élevé au couvent de St Gall en Suisse. Plus tard, il devint évêque d'Augsbourg. Mort le 4 juillet 973, il fut enterré à Afra par St Wolfgang, évêque de Regensburg.

Situation présumée de cette chapelle:
Une petite croisée a été découverte dans le mur de la chapelle latérale actuelle derrière le retable. A cet endroit se trouvait, avant la rénovation, l'autel de St Joseph.
Cette croisée pourrait bien avoir formé une fenêtre de la chapelle primitive. D'après la forme et les dimensions de cette fenêtre, on peut supposer que cette chapelle primitive était assez petite.
                                                                           
                    Les premières années du pèlerinage à la Vierge
 

Toujours d'après les annales des Pères Franciscains qui tiendront le pèlerinage aux XVIle et XVIIle siècles dès que le frère Uldarich eut fini de construire son ermitage, les habitants des environs y vinrent en pèlerinage, afin de prier dans la chapelle qu'il avait construite.
En 1439 la contrée entre Hattstatt, Obermorschwihr et Pfaffenheim fut dévastée par les Armagnacs qui incendièrent Gueberschwihr et Pfaffenheim. Ce fut le second incendie pour le village. En effet en 1338 les habitants de Colmar et de Sélestat avaient mis le feu aux maisons de Pfaffenheim.

Il est quasi certain que l'ermitage du Schauenberg sortit indemne de toutes ces tribulations. Ni querelles d'appartenance ou de souveraineté, ni même les actes de pillage et de cruauté des hordes qui traversèrent l'Alsace, ne l'atteignirent. En 1441, et cela est confirmé par un document de l'Evêché de Bâle, auquel étaient rattachées les paroisses des environs, on vénérait la Vierge Marie dans la petite chapelle.

On peut se faire une idée de l'importance de cette chapelle, en comparant les indications chiffrées fournies par le «Liber Marcarum» (le livre des Marks) de l'Evêché de Bâle. Dans ce registre, tenu au profit de l'Evêque et du chapitre de la cathédrale de Bâle, étaient consignés, approximativement, les revenus qui devaient servir de base au calcul des droits d'investiture.

Pour la paroisse de Pfaffenheim, on peut lire:
Curé de Pfaffenheim                                                         20 marks
Vicaire                                                                                   8 marks
Chapelain de «première messe»                                        4 marks
Chapelain de la Sainte Croix                                               2 marks
Chapelain de «Sainte Marie du Schowenberg»                 4 marks

II s'agit de marks d'argent, monnaie bâloise.

Aucun document de l'époque ne fait cependant état de manifestations particulières, ni de miracles.

  Le premier «Miracle» connu


Ce n'est qu'en 1446 que l'on situe un événement que l'on peut qualifier de providentiel. Une certaine comtesse, Anne, épouse de Louis 1er, dit le Pacifique, Landgraf de Hesse, était gravement malade. Les médicaments de l'époque ne pouvaient la guérir. Elle conservait dans sa chambre une statue de la Vierge Marie, pour laquelle elle avait une grande vénération.

Au cours de sa maladie. Dieu lui fit comprendre qu'elle devait se rendre dans un lieu appelé «Schauenberg». Elle chargea immédiatement un messager de rechercher cet endroit et d'y aller prier en son nom. Il partit emportant avec lui la statue de la Vierge Marie et des offrandes.
Après de nombreuses difficultés, en remontant le cours du Rhin, il trouva cette montagne en Alsace. A l'ermite Uldarich qui s'y trouvait, il remit les dons qu'il avait apportés et pria devant la statue qu'il avait déposée sur l'autel de la petite chapelle. Au moment de repartir, il fut impossible de reprendre la statuette, même avec l'aide de l'ermite. Ce fait apparut alors comme un signe du ciel. Aucun doute n'était possible. La statue de la Vierge Marie devait rester dans la chapelle du Schauenberg, telle était la volonté de Dieu. La Vierge Marie devait être vénérée et invoquée à cet endroit.

Des documents relatent cette démarche, faite à l'initiative de la «Landgräffin» de Hesse ; certains cependant disent que la statue avait été déposée au creux d'un rocher. Il est certain que, ni le nom de «Schauenberg», ni l'ermitage, ne devaient être connus des habitants de la Province de Hesse, située à plus de 400 km de Pfaffenheim.

Sur le chemin du retour, le serviteur de la comtesse apprit alors que celle-ci était guérie et ce, depuis le moment précis où il avait prié  devant la statue.

Ce merveilleux événement qui devait changer les destinées du Schauenberg et transformer l'obscur ermitage en un glorieux pèlerinage de la Sainte Vierge, a été rapporté par le Père Chérubin MAY, O.F.M.,historien de la Province de Strasbourg, en 1756 dans sa «Chronologia Provinciae Argentinae». Le manuscrit original se trouve actuellement au couvent des Franciscains de Salzbourg. Une seconde chronique du même auteur, datée de 1770, existe et est conservée par la Bibliothèque Casanate de Rome.

Le notaire apostolique Joseph SCHWEIGHEUSER donne en 1767 sur ce «miracle» sensiblement les mêmes détails, dans le «Trifolium Seraphicum in Alsatia florens». Ce manuscrit autographe est conservé à la Bibliothèque Universitaire de Strasbourg.

A partir de cette époque, les pèlerins vinrent de plus en plus nombreux au Schauenberg pour y prier et vénérer la Vierge Marie, en apportant dons et offrandes.

Theobald WALTER, ancien maire et savant historien de Rouffach rapporte dans son «Urkundenbuch de la Paroisse de Rouffach» qu'en 1471 un certain Lienhard FRETH offrit au Schauenberg des prés et des vignes.

 


La demande des habitants de Pfaffenheim en 1483
 

  
Le sanctuaire marial était certainement connu dans toute l'Alsace et même outre-Rhin, et les nombreuses aumônes et l'importance des offrandes qu'on y faisait, amenèrent les notables de Pfaffenheim à demander à l'Evêque de Bâle dont ils dépendaient, d'officialiser le pèlerinage.

Il s'agissait de:
Jean Ehrhard de Reinach, chevalier-patron (collateur de la Paroisse)
Jean Rodolphe de Reinach, son frère et curé de la Paroisse
Jean Ulrich, prévôt de Pfaffenheim
et les jurés du village.

Le lundi après le jour de la St Oswald, en l'an 1483, ils adressèrent à Gaspard zu Rhein, évêque de Bâle, une lettre dans laquelle ils l'informaient de la création d'une rente et d'un bénéfice sur la chapelle Notre-Dame du Schauenberg, et en même temps ils sollicitaient de l'évêque la ratification de leur proposition.

Pour le pèlerinage, cela revenait à demander son érection en chapellenie. Les notables y annexèrent une rente annuelle de 34 livres pfennigs en argent monnaie de Bâle, ce qui pour l'époque constituait un revenu assez honnête, ainsi que deux mesures de vin et un rezal de seigle, pour servir à l'entretien du prêtre-chapelain.

Ce document original fait partie des archives de la Paroisse de Pfaffenheim. Il est en peau, de 60 cm sur 48 cm, et porte, suspendus dans sa partie inférieure deux sceaux.

La demande est rédigée en allemand. Le style littéraire de l'époque du moins pour ce genre de missive, ne se distingue pas par la simplicité et la clarté. Les phrases du texte sont très longues. Il n'y a pratiquement pas de ponctuation, même dans les traductions qui ont été faites au XVIIle siècle.

Le texte en langue française, actuellement conservé dans les archives paroissiales, rédigé en 1772, est en fait une traduction de la première traduction originale en langue allemande.

Au Seigneur le Révérend en Dieu, le père Gaspard, Evêque de Bâle notre gracieux Seigneur ou à son vicaire.
nous, Jean Ehrhard de Reinach, chevalier Patron,
Jean Rodolphe de Reinach, curé de la Paroisse,
Jean Ulrich, Prévôt
et les jurés du village de Pfaffenheim, diocèse de Bâle, présentons notre obéissance, offres de service.

Gracieux Seigneur, comme ci-devant et jusqu'à présent, il y a eu un grand concours de dévotion d'âmes fidèles dans la chapelle de notre Dame, la Sainte Vierge Marie au Schauenberg ainsi appelée, dépendante de la dite paroisse pour y trouver grâce et assistance, ce qui a procuré beaucoup d'aumônes et d'offrandes qui ont été employées à la fondation d'une rente annuelle, pour qu'à l'avenir le service divin soit célébré et avec ferveur, en sorte qu'il en est provenu un revenu annuel existant, acquis et rachetable de près de trente quatre livres pfennig en argent monnaie de Bâle, deux mesures de vin et un rezal de seigle, le tout suivant et au contenu des contrats, rôles et registres, qui ont été faits, nous, considérant qu'il ne peut rien être plus glorieux et plus agréable à Dieu Tout puissant et à la très Sainte Vierge et en même temps plus consolant pour les âmes des trépassés que l'auguste sacrifice de la Sainte Messe, qui accomplit l'excellence du très Saint Sacrement contenant véritablement le corps de notre Seigneur et Rédempteur Jésus-Christ sous les espèces du pain et du vin entre les mains du Prêtre à l'autel, pour la rémission de nos péchés et l'obtention de la vie éternelle, dont action de grâce soit rendue à Dieu le Père tout puissant, nous avons de mûre réflexion pour la gloire de la Très Sainte Trinité à l'honneur de la très Sainte Reine Marie et de tous les Saints pour la consolation et le secours des âmes des trépassés présents et futurs, qui ont fait leurs aumônes et offrandes en ladite chapelle, les font journellement et les feront dans la suite, et de tous les fidèles, fondé et établi un bénéfice perpétuel, pour lequel nous avons ordonné, donné, crié et constitué la rente susmentionnée ainsi que, par et en vertu de la présente lettre nous les fondons, établissons, ordonnons et en la meilleure forme que faire se peut de droit et de coutume, dans la dite chapelle, sur l'autel dédié à l'honneur de notre Dame, qui jusqu'à présent a manqué de prêtre permanent et d'une compétence annuelle, néanmoins sans préjudice des droits et ancienne coutume de l'Eglise de Pfaffenheim et de son Curé, de manière que chaque chapelain, approuvé par le dit autel et bénéfice, aura toujours plein droit et pouvoir à l'avenir de recevoir la dite rente la prétendre
demander et en donner quittance, en user, jouir, profiter, agir et disposer pour son utilité comme bon lui semblera, sans trouble, difficulté ni empêchement quelconque, ils (les titres et registres) seront déposés et conservés entre les mains du Prévôt et Magistrat de Pfaffenheim, de manière cependant que, si dans la suite le chapelain avait besoin d'un ou plusieurs de ces titres ou registres pour le maintien des droits de son bénéfice, les dits Prévôt et Magistrat doivent les lui prêter, confier et remettre pour le besoin à sa réquisition, écrit de sa main, qu'il les rendra dans un délai qui lui sera fixé.

La nomination d'un prêtre capable au dit bénéfice comptera toujours au Curé de la dite Paroisse de Pfaffenheim et l'approbation à vous Monseigneur et à vos successeurs Evêques de Bâle ou leurs vicaires.

De plus, chaque bénéficiaire de la dite chapellenie doit demeurer et résider dans le village de Pfaffenheim et chaque jour de fête de notre Dame chantera la messe en la dite chapelle et au dit autel,
et au surplus il sera tenu et obligé d'y dire la messe deux jours de chaque semaine et un jour par semaine dans l'Eglise paroissiale de Pfaffenheim.,
sans desservir avec le dit bénéfice aucun autre bénéfice externe, mais doit seulement servir l'Eglise paroissiale de ce lieu.

Pour l'exécution de tout quoi nous supplions très humblement et instamment votre altesse d'agréer, ratifier,
et approuver la susdite fondation, établissement, donation et institution avec toutes et chacune des stipulations apportées
et pour leur exécution corroborer leur confirmation de la force de votre autorité ainsi qu'il est de droit et de coutume.
C'est la grâce que nous nous efforcerons de mériter de votre altesse avec toute la soumission et l'obéissance qui lui est due.

En foi et témoignage de quoi nous
Jean Erhard de Reinach, chevalier Patron
Jean Rodolphe Reinach, Curé
et Jean Ulrich, Prévôt
pour moi et les jurés sus mentionnés avons pendu nos sceaux à la présente lettre, donnée le lundi après le jour de St Oswald, l'an que l'on compte après la naissance de notre Seigneur Jésus Christ quatorze cent quatre-vingt trois.

La Famille de Reinach avait la colature de la paroisse de Pfaffenheim jusqu'à la Révolution. Louis de Reinach, père de Jean Ehrhard et de Jean Rodolphe, est mort le 10 décembre 1508. Il est enterré dans l'église des Franciscains de Rouffach. Sa pierre tombale porte cette inscription:


                                                                                  ANNO . DOMINI . M . CCCCC . VIII

                                                       VFF . SONTAG . NACH . CONCEPTIONIS . MARIE

                                                                               STARB . LUDWIG . VON . RINACH
     
                                            RITTER . VOGT . ZU  RUFACH . DEM . GOTT . GNEDIG
 

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