Le retour de la statue            
La Translation

Durant toutes ces années de tribulations, de changements de régime politique, le pèlerinage resta abandonné. La statue de la Vierge avait été mise à l'abri au village et put être sauvée.

Lorsque la paix religieuse fut retrouvée après la signature du Concordat, il fallut cependant encore attendre l'année 1810 pour que l'on s'occupât à nouveau du Schauenberg. Ses propriétaires restituèrent la chapelle avec ses dépendances à la commune de Pfaffenheim, à la condition expresse qu'elle fût rétablie en oratoire et entretenue à l'usage des fidèles.

Dans les archives de l'évêché de Strasbourg, on trouve la trace d'une somme de 50 Francs, versée le 10 avril 1809 pour obtenir l'autorisation de célébrer à nouveau le culte dans la chapelle du Schauenberg.

La cession eut lieu le 1er mai 1810. Le texte intégral de cet acte est signé par les sieurs Flesch, Boesch, Sigust et la veuve d'Antoine Runner. «Nous les soussignés Veuve Antoine Runner, Sigust, Flesch et André Boesch, propriétaires du ci-devant couvent des Récollets situé sur la montagne appelée Schauenberg, de l'église y attenant et de l'habitation des domestiques, ensemble d'un jardin d'environ deux schatz (8 ares):
déclarons par la présente qu'en nous rendant adjudicataires des immeubles dont il s'agit près du ci-devant district de Colmar, sous la date du vingt-sept février 1793, et en acquittant le montant de notre adjudication entre les mains du receveur REISET le quatorze mars de l'an deux, nous n'avons pas eu d'autre intention que de conserver les bâtiments dont il s'agit au culte divin auquel ils ont été consacrés de tout temps, nous réitérons derechef notre intention déjà prononcée en 1793 et faisons par la présente l'abandon entier de tous nos droits de propriété qui nous comptent sur ce même bâtiment et ce au profit de la commune de PFAFFENHEIM dans le ban de laquelle ils sont situés, et à laquelle nous transportons tous les droits qui résultent à notre profit du contrat du 27 février 1793 sous la condition formelle que ladite église située audit Schauenberg sera rétablie en oratoire, qu'elle continuera à être entretenue à l'usage de la dévotion des fidèles et qu'il sera pourvu tant audit entretien qu'au rétablissement dont il s'agit aux frais de ladite commune.

Fait à Pfaffenheim le premier mai 1810           signé Flesch, Boesch,Sigust, Runner.


A partir de ce jour les villageois s'occupèrent activement du Schauenberg. Il fallut de toute urgence commencer les travaux de remise en état des bâtiments. Les paroissiens et les pèlerins contribuèrent non seulement de leur bourse, mais aussi et surtout de leurs mains, soit comme ouvriers, soit comme manœuvres. On ne fit appel qu'à un spécialiste, maître-charpentier nommé Jacques NESTER. Un accord fut signé le 11 juin 1810 entre cet artisan et la commune. «Cejourd'hui le 11 juin mil huit cent dix, à la maison commune de Pfaffenheim, Nous, Maire, l'adjoint, Jean Baptiste Freudenreich, Jean Baptiste Boesch les deux membres du conseil nommés pour percevoir les fonds et payer les dépenses pour la chapelle dite Schauenberg, nous nous sommes rendus avec tous les conseillers municipaux au jour ci-dessus mentionné à la maison commune pour nous accorder avec le citoyen Jean Jacques Nester, maître-charpentier patenté, touchant la reconstruction de la chapelle ou de l'église dite Notre Dame du Schauenberg sise dans la banlieue de notre commune, ayant préalablement obtenu la permission de Sa Grandeur l'Évêque de Strasbourg et de Monsieur le Préfet du département du Haut-Rhin et après délibération nous sommes convenus de ce qui suit:»
La description ainsi que le devis des travaux à exécuter par Nester sont rédigés en langue allemande. Ce maître-charpentier demanda 700 Francs pour son intervention. Avec l'aide des habitants du village il dut activement mener les travaux, car vers la fin du mois d'août de l'année suivante, la chapelle fut prête à accueillir de nouveau la statue de la Vierge, avec toute la solennité qui lui était due.
Les deux membres du conseil municipal qui avaient été délégués pour recueillir les fonds et payer les travaux, ont scrupuleusement comptabilisé les nombreux dons faits par les habitants des villages environnants. En plus des Pfaffenhémiens, figurent des noms de personnes habitant Gueberschwihr, Rouffach, Westhalten, Herrlisheim . . .
Le total des dépenses faites par M. Boesch se monta à 4 340,55 F. On ignore les recettes et les dépenses de M. Freudenreich.

La chronique mentionne également qu'un manuscrit de Nester donne des détails:

Dépenses faites pour les tuiles et chaux                                                    6 768,00
Pour la châsse de la statue de la Ste Vierge                                                  41,65
Pour équarrir les arbres                                                                                  3,45
Pour une étoire                                                                                              3,25
Pour jambages                                                                                             21,85
Pour planches et lattes                                                                                  31,60
Pour poils de veau                                                                                          2,80
Pour dallage                                                                                                 45,40
Pour cordes                                                                                                  18,00
Pour peindre les portes                                                                                  12,00
Pour balai et arrosoir                                                                                       3,20
Pour arranger la chaire et les volets                                                                15,00
Pour travaux de serrurerie                                                                              38,75
Pour travaux du peintre                                                                                  42,00
Pour travaux du verrier                                                                                 300,00
Pour travaux du menuisier (Jos. Bartholomé)                                                   76,50
Pour travaux du plâtrier (casp. Mosbrucker)                                                1 000,00
Pour travaux du ferblantier (Deschler et Spies)                                                 440,00
Pour le repas lors de la translation de la statue                                                  150,00
A Mgr l'Évêque pour l'autorisation de livrer la chapelle au culte                          25,00



La chapelle fut rendue au culte le 3 septembre 1811.

Le vicaire Litzler écrivait en 1848 qu'il avait entendu des témoins oculaires dire que ce jour avait été une des plus grandes fêtes qu'on ait jamais vues. Une grande foule de fidèles et de nombreux représentants du clergé participèrent à la translation de la statue miraculeuse ; de l'église de Pfaffenheim elle retourna dans la chapelle du Schauenberg. Le grand livre de la fabrique paroissiale rapporte cette fête.

«Cejourd'hui le 3 septembre 1811 eut lieu la bénédiction de l'église de Notre-Dame du Schauenberg qu'on vient de restaurer ; la statue miraculeuse solennellement et processionnellement transférée de notre église paroissiale au Schauenberg où après la bénédiction de l'église eurent lieu un sermon et une grand messe. M. le curé de la paroisse et la commune de Pfaffenheim sont donc priés de faire, en mémoire de cette fête, chaque année une procession avec sermon et grand'messe au jour ci-dessus indiqué.
Fait à Pfaffenheim le jour, mois et année comme ci-dessus».


Les pèlerins et les fidèles furent si nombreux que certains, pour éviter la bousculade et avoir une meilleure vue, escaladèrent les rochers qui surplombaient la chapelle et le couvent d'une hauteur de 10 à 15 mètres, et s'installèrent à leur sommet. Une jeune fille de Rouffach nommée Anne Marie SCHLITZWECK s'approcha probablement un peu trop du bord et tomba du haut des rochers de la terrasse. L'abbé Litzler rapporte que les nombreux pèlerins témoins de ce drame s'attendaient a trouver un corps déchiqueté couché en contrebas des rochers. Quel ne fut pas leur soulagement lorsqu'ils virent la jeune fille se relever sans blessure. Tous les participants à cette journée du 3 septembre virent dans cet événement un signe de la Vierge et le qualifièrent de miraculeux.

Durant la période révolutionnaire, le chemin de Croix érigé par un Pfaffenhémien nommé Kueny avait été démoli. En 1811, Antoine Kueny fit reconstruire les quinze stations. Sur certaines croix figurent les noms d'Antoni Kueni et Margareth Ris, son épouse avec le millésime 1811.

Une deuxième cloche fut installée en 1818. Quelques années plus tard. en 1821, un inconnu fit élever une croix sur le rocher situé à l'endroit appelé «Mont des Oliviers». Les paroisses des environs reprirent l'habitude de monter en procession: il s'agit de Pfaffenheim, Gueberschwihr, Voegtlinshoffen, Obermorschwihr, Westhalten, Soultzmatt,Osenbach et Rouffach.

C'est vers cette époque aussi que la chapelle reçut un orgue Callinet. Le document suivant donne une description précise d'une partie de l'orgue.

«Etat du buffet de l'orgue érigé dans l'église Notre-Dame du Schauenberg par François Callinet facteur d'orgues à Rouffach. Cet orgue a été donné par le sus-nommé aux conditions verbales que le buffet et devanture de la tribune seraient fournis aux frais pris des revenus de l'église et dons faits par des particuliers qui voudront bien y contribuer.

article 1
un buffet avec ses côtés, derrière, et boîte, renfermant les claviers.
Le tout avec six portes ouvrantes et fermantes à clef suspendue avec penture et verrou, le buffet portant neuf pieds huit pouces de hauteur, six pieds six pouces de largeur et trois pieds de profondeur, le tout à panneau et battant, pour ce .......... 150 F.

article 2
La façade du buffet a trois tourelles avec ses corniches, ainsi que la ceinture et deux plates faces ornées de sculptures taillées dans les corniches et moulures, cul de lampes, draperies, guirlande, vase et palmier, voussure garnissant le dessous de la saillie du buffet. En outre les deux accotoirs de six pieds chacun de hauteur, y compris le grillage qui les surmonte, le tout en beau et bon bois de chêne, pour ce.... ..... ....150F.

En 1823 eut lieu une guérison que bien des gens qualifièrent de miraculeuse. Une habitante de Pfaffenheim, nommée Elisabeth Müller, qui depuis 1817 était gravement malade et avait même perdu l'usage d'une jambe, souffrait tellement qu'elle ne s'intéressait plus à rien. Elle ne cessait cependant de prier «la Vierge Marie du Schauenberg». Le 5 octobre, comme poussée par une voix intérieure, elle voulut se rendre au Schauenberg. Elle y parvint difficilement au prix de beaucoup d'efforts, de souffrances et de peines, et se mit en prière au pied de la statue. Après quelques instants elle se releva et alla porter, derrière l'autel, les béquilles qu'elle utilisait.

Vers la fête de Pentecôte de l'année 1825, cet événement fut porté à la connaissance de Mgr Claude Marie Paul THARIN, évêque de Strasbourg, en tournée de confirmation. Il s'entretint avec Elisabeth Müller et lui demanda de ne jamais oublier la grande miséricorde que Dieu lui avait montrée
 

Un nouvel essor à partir de 1843

Les pèlerins affluèrent de plus en plus nombreux de sorte qu'en 1843 l'abbé Dürringer, curé de Pfaffenheim, entreprit de demander un second vicaire et également de repréciser les rapports du pèlerinage avec la commune.

Le compte-rendu suivant permet de situer de nouveau la place qu'occupait le Schauenberg au sein de la paroisse:
«Ce jourd'hui trois décembre mil huit cent quarante trois, le conseil de fabrique de l'église de Pfaffenheim réuni sous la présidence de Marc Schmitt furent présents M. Durringer, desservant, Riss, Meistermann, Bildstein maire, Frick adjoint et Runner, trésorier.

Après avoir entendu le rapport de M. le Curé duquel il résulte:

1)Que le nombre de pèlerins à Notre-Dame du Schauenberg est journellement très considérable et que par la suite du service nécessaire de la paroisse, ils sont privés de la consolation d'assister au saint sacrifice de la Messe quoiqu'ils y viennent quelquefois de bien loin: inconvénient auquel il est impossible de remédier sans le secours d'un second vicaire.

2) Que plusieurs âmes charitables se sont offertes de concourir par des dons à l'entretien d'un prêtre dont le ministère serait si utile et si nécessaire.

3) Que ces offres ont déjà été réalisées en partie vu que M. le Curé a reçu et déposé entre les mains du trésorier
a) d'une personne qui veut rester inconnue la somme de cinq cents francs
b) d'Elisa Flesch, veuve de feu Mathieu Clementz la somme de six cents francs et enfin de M. Humbrecht François Joseph, membre du conseil municipal la somme de mille francs déjà placée contre deux obligations.

4) Qu'il y a encore d'autres promesses et que tous ces bienfaiteurs n'imposent d'autres charges que de faire un mémento autant de fois que le saint sacrifice de la Messe sera célébré dans la dite église par un des vicaires.

S'il arrivait cependant tôt ou tard pour une raison quelconque qu'il n'y eut pas de second vicaire pendant un temps considérable, les fondateurs exigent au prorata que des grand' messes soient chantées pendant l'Avent dans l'église paroissiale aussi longtemps que leur première intention ne pourra être exécutée.

Cette seconde disposition cessera néanmoins d'avoir son effet dès qu'on pourra se conformer à la première.

Le Conseil vu la justesse du rapport de M. le Desservant et considérant que ces dispositions sont très favorables à notre sainte religion, désirant en outre seconder la piété des fidèles, est d'avis que ces dons soient acceptés provisoirement sous les conditions et charges énoncées, et charge son trésorier de les placer légalement aussitôt que Mgr l'Évêque les aura approuvées pour les revenus annuels en soient employés à l'entretien d'un second vicaire, ou ; à défaut de l'accomplissement des secondes dispositions, et comme cette somme est insuffisante, le conseil est d'avis que le reste soit prélevé sur l'offrande de la dite chapelle jusqu'à concurrence de quatre cent cinquante francs.

Suppliant enfin Monseigneur l'Évêque de vouloir bien approuver et autoriser les dispositions de notre présente délibération, nous donner un second vicaire et ordonner que les deux partagent ensemble la besogne et le traitement.

Fait et délibéré le jour, mois et an que dessus.
                              signé: Bildstein, Riss, Meistermann, Schmitt, Dürringer.


                                             

Le 13 janvier 1860 arriva comme curé de la paroisse l'abbé Jean Baptiste Edel. Il entreprit immédiatement une restauration complète du Schauenberg. Les toitures qui depuis la reconstruction de la chapelle n'avaient reçu aucun entretien, laissaient passer l'eau. Les plafonds étaient fort détériorés en beaucoup d'endroits. En 1860 l'ensemble des toitures fût donc consolidé. On refit également le crépi des murs. La chronique cite «dans les premières années surtout l'éclatante blancheur des murs contrastait admirablement en été avec la forêt verdoyante qui entoure le pèlerinage».

L'année suivante, en 1861, les blocs de pierres qui constituaient les autels latéraux furent remplacés par des ouvrages en bois. Ces derniers restèrent jusqu'à la grande rénovation de 1966. Les plans et l'exécution furent confiés à M. J. Mehr, maître-menuisier à Pfaffenheim.

Le 4 octobre 1863 furent placées les statues sculptées par Bartha de Rouffach, qui forment actuellement le «Calvaire-Kalvarienberg». Plusieurs personnes de Pfaffenheim se cotisèrent pour les payer et l'abbé Besserer les aida par ses conseils et aussi de sa bourse. Au printemps de l'année 1864, M. le chanoine Lichtlé, originaire de Pfaffenheim offrit deux vitraux, réalisés par un artiste de Guebwiller nommé Waeckerlé.

Dans ses travaux de rénovation, l'abbé Edel fit refaire la sacristie en 1865. Elle devait être dans un état assez déplorable, car la chronique rapporte que «les portes elles-mêmes avaient des trous et de grosses fentes, ce qui permettait au frère sacristain de voir du dehors s'il y avait quelqu'un dans la sacristie».

La chronique continue» ... il (le sacristain) fut le seul qui se plaignait lorsqu'on répara ces portes . . .(sic ! )».

En 1866 on fit la grande porte du portail de la chapelle. M. Jean Baptiste Flesch en réalisa les plans et le travail, aidé par M. Bader, qui en fit les ferrures. Vers la fin de cette année et au commencement de 1867, on s'occupa du sol de la chapelle. On fit d'abord le dallage de la nef, puis un peu plus tard en automne on posa le carrelage du choeur. La chronique donne des précisions d'ordre technique sur la réalisation de ces travaux.

Les dalles utilisées, de couleur blanche, provenaient de Tonnerre et étaient placées dans du ciment de Vassy, pour les garantir de l'humidité. Pour les mêmes raisons et également pour obtenir davantage de solidité, le socle de la nef fut également construit avec ce ciment.

Pendant l'été de la même année 1867, on acheva la chapelle St Joseph (chapelle qui abrite actuellement le retable, et qui selon toute vraisemblance occupe l'emplacement de la première chapelle de l'ermitage du frère Uldarich). Le plâtre qui en recouvrait les murs fut enlevé et un lissage fut fait également au ciment de Vassy, pour rendre la surface des murs plus unie et pour permettre ainsi la polychromie. Celle-ci fut réalisée par M. Brunner et M. Thery. Le vitrail de St Joseph fut fourni par M. Maréchal de Metz. La maison Launay de Paris livra l'autel et M. Mehr en réalisa le retable. La statue de St Joseph fut donnée par M. Deybach ; elle fut sculptée à Munich.

Durant les années 1866 et 1867, on répara le chemin depuis l'esplanade jusqu'au delà du Calvaire. Beaucoup de jeunes gens de Pfaffenheim y travaillèrent. Les conscrits de la classe 1867 se distinguèrent cette année par une initiative louable. Ils organisèrent une quête de vin et vendirent l'ensemble du vin offert au profit du Schauenberg.

En 1869 fut installé un nouveau vitrail «La Vierge, Reine du Purgatoire».

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